Ahmad Ibn Mâdjid, né vers 1425 et mort en 1500, serait le premier grand navigateur arabe. Poète et écrivain, il écrivit une trentaine de traités compilant toutes les connaissances de l’époque en matière de navigation et d’astronomie nautique. Ses ouvrages permirent aux autres capitaines du golfe persique d’atteindre l’Inde et de fonder les premiers comptoirs commerciaux le long de la côte Est africaine et d’établir la suprématie commerciale d’Oman sur l’Océan Indien. Pourtant, Ahmad Ibn Mâdjid n’est pas considéré comme un héros par ses pairs mais bien plutôt comme un traître.
En mai 1498, le célèbre navigateur Vasco de Gama débarque à Calicut, sur la côte occidentale de l’Inde. Une surprise car personne ne l’y attendait et surtout personne n’avait repéré sa flotte le long des côtes du golfe persique. On savait juste qu’il avait quitté le comptoir de Malindi, au Kenya, un mois auparavant. Comment avait-il fait pour éviter les pièges de l’Océan Indien et atteindre aussi vite et aussi facilement les Indes ? Les cartes marines, ou postulants, sont alors rares et surtout tenues secrètes car elles sont sources de découvertes et donc de revenus pour les pays commanditaires des expéditions. Vasco de Gama est certes un navigateur expérimenté mais prudent. La rumeur finit par se répandre. A Malindi, le Portugais aurait cherché un pilote pour atteindre les Indes. Il aurait alors invité Ahmad Ibn Mâdjid à dîner, l’aurait enivré et fait parler. Saoul, le marin arabe lui aurait dit de ne pas suivre la côte du Kenya et de la Somalie, réputées dangereuses pour leurs déferlantes, de prendre le large et d’aller droit vers l’Est. Cette version est peu crédible. Il était déjà rare qu’un musulman accepte de dîner avec un chrétien et surtout qu’il boive. Il semblerait que cette version ait été écrite pour excuser un acte de trahison pur et simple. Ahmad Ibn Mâdjid aurait donc volontairement accepté de prendre la barre des caravelles portugaises en échange d’une confortable rémunération, n’hésitant pas au passage à dévoiler ses cartes extrêmement détaillées de l’Océan Indien avec les degrés de longitude et de latitude permettant une navigation précise. De son propre aveu, Vasco de Gama jugea cette collaboration comme le bien le plus précieux qu’il n’ait jamais acquis ! Après cette expédition, la route des Indes était grande ouverte à la convoitise des Portugais qui, après, continuèrent leur route vers l’Indonésie et de ses épices, de la Chine et de sa porcelaine. Ils furent même les premiers à aborder les côtes japonaises.